16 octobre 2010

I'm doing me

© cats eyes
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- Vous êtes où ?
- Chez moi, j'organise une petite sauterie. 15 avenue de Wagram, venez.

Avec ma soeur et deux amies je sors d'une boite confidentielle du bas des Champs. C'était naze à l'intérieur, on vient de se tirer mais on n'a pas grand chose à faire ensuite. J'ai envoyé ce texto en mode bouteille à la mer à Julie. Miracle, elle m'a répondu. Je sauce mes potes "Allez on y va obligé, on n'a rien d'autre à foutre et puis cette meuf est vraiment énorme !". Banco. Après dix minutes de voiture on déboule surplace.
La maison est trop grande, avec des vases trop grands, des escaliers trop grands. Et un tout petit cartable posé au bas des marches. "C'est celui de mon petit frère". Julie vient d'apparaître, avec la tranquillité de rigueur pour une meuf qui est chez elle. Très vite, mes potes retrouvent des connaissances du collège, et se cassent dans le salon. Julie me traîne dans la cuisine. Elle me propose tout un tas de trucs à boire, à bouffer. J'ai bien envie de me foutre une taule carabinée à la vodka ou n'importe quoi d'autre, mais bizarrement je refuse à peu près tout. Quelque chose me retient, je crois qu'elle m'intimide. Elle me pose une question insignifiante, je lui réponds pas, je reste à la regarder avec des yeux qui veulent rien dire. Pressentant le moment de flottement à venir, elle se lève pour me faire visiter les lieux.
L'endroit est plein de gens que je connais pas, que je reverrai jamais. On monte un étage, un deuxième. Je retrouve dans une pièce affalés sur des divans quelques personnes que je connais ; enfin. Ces tocards sont trop occupés à taper sur une table basse en jouant avec des flyers de soirée, je m'en tire avec un "Bonsoir" général. Ils me reconnaissent à peine. Julie me présente officiellement Anna, sa meilleure pote, une meuf de 18 ans qui se sape comme si elle en avait 30, et qui s'est fait refaire le nez parce qu'elle avait pris trop de cocaïne. Je la charrie à propos de la drogue, ou des sapes. Ma manière de faire croire que je suis en confiance. Anna m'envoie une torgnole. Je me dis que c'est particulièrement bien embarqué avec elle ; à long terme bien entendu. Dans les escaliers, J-B et Constantin se foutent de la gueule du chauffeur de taxi qui les a ramenés ici. Julie a disparu je sais pas où, du coup je reste un peu à me marrer avec eux. Ma soeur passe, je lui présente J-B en le décrivant comme un mec génial, sans savoir si je suis sincère ou non.
Julie revient, l'air impatient. Comme s'il manquait à la visite de sa baraque, la cerise sur le gâteau, la botte secrète, la pièce secrète. Elle me prend la main et m'emmène dans une chambre, juchée entre deux étages. La chambre a rien de particulier. Elle est étrangement peu meublée, petite, à peine assez d'espace pour un lit une place, un bureau et des conneries de cartons. "C'est mieux quand on est plus au calme non ?". Aucun besoin de répondre, je me cale sur le lit avec mon verre de vin. Julie sort un petit paquet que je distingue mal dans le noir. Elle prépare un rail sur le bureau, me dit "Vous en voulez ?", "Non, merci. Refilez-moi plutôt votre vin". Elle me donne son verre et snife sa came, se pince légèrement le nez. J'ai toujours méprisé ceux qui prenaient de la coke. J'en n'ai jamais eu le besoin ni l'envie. L'envie peut-être, après tout ; y a toujours quelque chose d'intriguant. Mais j'ai toujours considéré les mecs qui tapent comme des gens faibles, qui ont besoin de ça pour être normaux, pour affronter le monde. Quand on est un vrai, on affronte le monde seul, pas avec l'aide d'une substance quelconque. À mes yeux la coke a ce côté ravageur minable qu'on trouve moins dans l'alcool. Ces mecs qui tapaient sur la table au deuxième étage, quelle bande de brèles. Pourtant dans le cas de Julie, c'est différent. Elle tape là devant mes yeux et j'en n'ai rien à foutre. Je trouve même que ça lui va bien. Julie prend de la cocaïne sur un bureau dans une chambre à la lumière éteinte, et c'est élégant. La plupart des gens qui en prennent sont contrôlés par ce qu'ils consomment. Pour Julie, c'est l'inverse, elle contrôle tout très bien du haut de ses 17 ans, elle est si intelligente et brillante qu'elle est pas victime de son comportement.
Les minutes s'écoulent, je sais pas depuis combien de temps on est dans cette chambre. Une amie frappe brusquement à la porte, essaie d'ouvrir. Julie a fermé, "Je suis occupée meuf !", la pote bourrée se casse dans un grognement frustré. Je reparle à Julie de ce message qu'elle m'a envoyé y a quelques temps, qui m'avait donné envie de la rencontrer. Elle me racontait qu'elle voulait me voir, se promener avec moi sur les chemins de fer d'un coin de grande banlieue un dimanche de pluie. Je lui dis que j'ai jamais su si j'ai toujours considéré son message comme immensément cliché ou comme un truc qui m'a vraiment touché. Peut-être les deux répond-elle. Quelle connasse je me dis, elle est forte putain. J'ai oublié ma soeur, j'ai oublié mes potes restés en bas. Julie me parle de celle qu'elle était y a quelques mois. "J'étais dans un trip chelou, je me souviens que le soir chez moi quand tout le monde dormait, je faisais couler de l'eau chaude dans une bassine. Alors je me coupais les pieds avec un cutter, et je les foutais dans la bassine. Le sang s'éparpillait doucement, un peu comme de la fumée. Il finissait par colorer toute l'eau brûlante. Je sais pas si c'était beau, je sais que ça m'intriguait.", je me dis qu'elle est quand même vraiment perchée, sans savoir si c'est dû à la coke ou non.
Par la fenêtre je regarde les immeubles de l'autre côté de la cour. Une vieille passe en robe de chambre, et la lumière s'éteint. Plus rien, c'était la seule autre fenêtre allumée. Je regarde cette cour écrasée sous le silence, ces immeubles foudroyés par la nuit. J'entends de la soirée la musique douce du deuxième étage, le son à fond du rez-de-chaussée, je pense à toutes les lumières allumées, même dans les pièces où y a personne. Mais Julie et moi, dans la chambre, on est peu entre les deux ; un peu dans la soirée, un peu dans la cour. Pas de musique, pas de lumière ou très peu. Simplement elle et moi. Je ressens maintenant l'effet de la pièce secrète. Je me rends compte que Julie a de jolies fesses, je lui dis. "Vous voulez les toucher ?", je me lève, lui touche le cul. Elle se retourne et me lance "Vous voulez voir mes seins ?", je réponds rien, je suis un peu las. Elle déboutonne sa chemise et me montre ses seins quand même. Je reçois un texto de ma soeur "On est crevés, on rentre ?". Il était temps que je me casse en effet.
Depuis la caisse qui nous reconduit chez nous, Julie m'envoie un texto, histoire de pas garder en bouche l'amertume de mon départ précipité.

- Revenez quand vous voulez.
- Ca, j'y manquerai pas.

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4 commentaires:

Matt. a dit…

J'aime bien ta vision de la poudreuse. Ceci dit, j'ai pas capté l'utilisation du vouvoiement ?

Dim. a dit…

Je vouvoie cette pote à vrai dire. Et ça va je trouve que ça colle avec l'ambiance du texte !

Anonyme a dit…

J'aimerai savoir, c'est vrai tout ce que tu écris Dim ?

Dim. a dit…

Tout part de la réalité bien sûr, j'ai pas autant d'imagination. Mais ça peut pas être vrai puisque ça reste un texte.