15 juin 2010

Les hirondelles de Younès Kaboul


J’ai fini Less Than Zero y’a deux jours, avec Elvis Costello avantpendantaprès. Je dis, j’ai fini, enfin, je l’ai relu, encore, et je dis Less Than Zero, parce que je l’ai lu dans le texte. Je dis pas ça pour que tu te dises « Wahou, c’est dingue, il lit Bret Easton Ellis en anglais » ; si je voulais m’adresser à des pucelles ignorantes je parlerais sur le chat facebook. Non je dis juste ça parce que mis à part qu’il est toujours brillant et que la jaquette, de chez Picador Books, pue la classe avec ces marches de piscine bleu nylon et ce haut de maillot de bain rouge qui traîne au fond, ambiance Loft Story, l’idée c’est que j’ai bien 20 ans de retard là. J’ai lu Carver aussi, brillant, mais bon ça a trente piges, encore.

Je l’ai déjà dit, j’ai perdu la foi en l’indie music. Entendre ce mot me file limite la chaude-pisse. Je tourne aux vieilleries, j’écoute des trucs que ton père aimait quand il était encore cool, je vire monomaniaque, the sonics thesonics thesonicsthesonics THESONICSTHESONICS THESONICSTHESONICS ; et là j’entends le deejay qui doit bien avoir l’âge de mon père passer Black Eyed Peas pour la deuxième fois de la nuit et à défaut d’aller tirer comme un dératé sur une clope, je fais un détour par le bar sur lequel je prends deux coupes de champagne à moitié vide et plates.

J’en prends deux parce qu’elles sont à moitié vides et puis pour pouvoir en passer à ma petite sœur. C’est pas vraiment ma petite sœur, en fait, c’est plutôt la fille de mes rêves, mais bon, ça pourrait. Assis sur un tabouret de bar devant une table haute en aluminium, je picole sans lever le coude, et je lui tends négligemment la coupe entamée. Elle a une bouche charnue et rose, des cheveux châtains, coiffés négligemment, rejetés en arrière, et qui s’emmêlent, le genre de cheveux qui écrivent « l’amour » sur l’oreiller, blanc évidemment, et qui surmontent un corps tendu et ferme, en point d’exclamation, avec deux hanches pour lesquelles je damnerais mon âme si j’étais pas déjà foutu (je ne m’hydrate pas pour rien), la peau mate, un peu, ces grands yeux, de chat comme on dit, et des moues hautaines et boudeuses. Je ne peux pas ne pas la regarder.

Quand j’ai pu enfin la voir de plus prêt, j’ai confirmé que j’étais toujours sur le cul, mais en plus des coups dans le nez, j’en ai pris quelques uns dans l’estomac quand il est devenu impossible d’ignorer qu’elle a 15 ans, à peine. Là, tout de suite, j’ai bien envie de l’appeler Samantha Geimer, même si c’est surtout moi qui boit, et qu’elle ne comprendrait rien à la référence. C’est pas tout de citer du Gainsbourg sexuel en statut facebook. De toute façon elle a pas le choix, elle est gravée sur la pellicule de ma rétine cérébrale, t’as vu je suis un poète scientifique qui balance des clichés avec un groove de keubla.

Je suis pleinement consentant dans cette mascarade : quand je ne lui avais pas encore parlé, j’étais bien conscient que faire la mule serait un des moyens les plus faciles et sûrs de l’approcher, ne serait-ce que parce que je prélève une sacrée commission, et puis parce qu’ici les barmen te demandent ton âge avec un ton qui veut dire « dégage ». De deux choses l’une, sans déconner ça l’empêchera de m’ignorer comme si elle avait dix ans de plus que moi, même si je suis loin de lui être indispensable, et ça me permettra de confirmer qu’elle est stupide. Elle peut difficilement ne pas l’être. Nan parce que bon, j’ai beau être beau comme un camion avec mon costard, je suis passé chez le coiffeur, je me suis rasé, (ma mère me reconnait enfin et moi je ne me reconnais plus), mais je n’ai pas l’illusion de conclure ce soir, ni même jamais, je vais seulement la bouffer des yeux et l’effleurer comme Michael Cera, car je vois bien qu’elle est du genre à se taper un mec aux cheveux longs coiffés en arrière avec un bouc qui conduit une Smart et qui porte une gourmette. Je vais éviter de me donner en spectacle, de me traîner par terre intellectuellement, en plus. Plutôt crever un peu. Et puis, comme tout ça me semble tragiquement et absurdement déjà-vu, je vais reprendre deux coupes, laisser trois gouttes au fond et les poser sur la table, et espérer qu’Arcade Fire me sauve encore.

Suburban War - Arcade Fire

I've Been Waiting For Tomorrow (All Of My Life) - The The

4 commentaires:

Matthieu M. a dit…

T'es un bon enfoiré.

Anonyme a dit…

Niveau écriture y a du talent

N.B a dit…

j'aime :-) vraiment belle plume :-)

see you soon
http://filmschronicles.blogspot.com/

pierre a dit…

et la bo du dernier amalric, c'est Psycho. coincidence ? i think not.