8 octobre 2010

Rentrer au Panthéon

Le problème avec les Libertines, c’est que tous ceux qui écrivent sur eux sont trop fascinés par le couple pour se détacher de leur fanatisme qui vient sûrement de ce que le groupe leur rappelait leur jeunesse ou je ne sais quoi qui leur manque. Busty – baise moi – de chez Rock’n’folk, palme de l’angle le plus bidon, ou David Brun-Lambert récemment chez les Inrocks, tous les deux auteurs d’un bouquin sur les lads, l’un sur Peter « Baise-moi » Doherty et l’autre sur les Libertines selon le point de vue de Carl « cheveux gras » Barat sont deux exemples suffisants.

Alors oui, des années 2000 c’est sûrement le groupe qui a fait le plus mouiller les gonzes et les donzelles, qui a fait souffler le galvaudé vent du rock’n’roll sur la province, et qui aurait lancé et amplifié la mode des groupes en The. C’est eux aussi qui ont sûrement sauvé le NME de la faillite en lui permettant, tous les six mois, de vendre les nouveaux Libs en couv : The View, The Holloways, The Paddingtons, The Littl’Ans, Larrikin Love, et compagnie. Tous y ont eu droit, tous ont mal fini, pour simplifier. Sacré pan de l’industrie musical entraîné par les mecs en rouge et blanc, (blanc et rouge comme les White Stripes qui explosent à cette époque, Elephant, 2003 pour rappel), sacré pan des sorties ou des proto-buzz des années qui les ont suivis, sacré paquet de mecs qui s’ingéniaient à copier sans trop copier, à avoir l’attitude mais pas le son ou l’inverse, pour pas grand-chose à part environ 70 000 fois leur sale gueule comme marque de fabrique sur du papier cul. Tout ça pour quoi ? Tout ça pour rien, puisqu’on ne se rappellera que des Libertines.

L’émotion de la reformation a vaguement occulté la réalité, sobre et lapidaire. C’est encore une sale/belle histoire de fric. 1,5 million de £ selon le Guardian, de quoi noyer les idéaux de Carl Barat et ses points d’honneurs, d’autant plus que des deux, c’est celui qui a le moins bien tourné. Son premier album a tapé l’or, avant l’effondrement, le deuxième ayant lamentablement rampé jusqu’à la 54ème place des charts. Lente descente aux enfers avec une première partie de Muse à Wembley, et une autre pour les Red Hot, ailleurs.

De manière surprenante, vu que c’est lui qu’on donnait mort, Doherty a cartonné, seul ou avec Babyshambles : l’or pour Down In Albion, l’argent pour Shotters’ Nation, des singles et des EP qui vont bien, et son Grace/Wastelands 17eme dans les charts. C’est sans compter le coût et le goût de des stups, des procès et des jaguars, logique. Donc du biff, à la base de tout.

Les Libertines, ensemble, c’était l’or pour Up The Bracket, le platine (300 000 albums, c’est quand mêm plus qu’honnête, et ils doivent encore en écouler) pour The Libertines, et carrément une 23ème place pour un best-of bidon. Donc les salauds vendent des wagons de disques quand leurs ex-membres en chient à l’extérieur. Gary Powell, batteur s’est retrouvé embarqué dans la boue de Barat, et John Hassall a monté son groupe, Yeti, avec un premier single ok et un album aux oubliettes. Parlez-moi de tentation.

Si on écoute Brun-Lambert et Busty, au fond, il en ressort que deux demi-dieux ont mis l’Angleterre a genoux pour qu’elle leur performe du sexe oral, grâce à l’alchimie des deux chanteurs, à leur rejet de tous les codes, à la tempête que leurs titres seuls ont fait déferlé sur Albion. Ouais, moi aussi je pensais ça quand j’avais 15 ans. Effectivement, ils ont raison, leur art de vivre, bohémien, squatteur, est sûrement pour beaucoup dans la fascination qu’ils ont pu exercer sur les foules. Les Albion rooms où ils créchaient incarnaient une sorte d’île où leurs rêves et leurs mythes prenaient corps dans la tize, les femmes et la came, et où les concerts avaient lieux n’importe quand, de manière impromptue. Les fans ne pouvaient qu’apprécier, twitter avant l’heure et en mieux.

Une autre lecture de l’histoire fait des Libertines les pantins d’une machine qui les dépasse et qui cherche à ressusciter une période bénie et révolue. Rough Trade, sorti des cendres en 2000 accueille les libertins dans son giron ; Rough Trade, légende bien connue des amateurs, monument de la musique indépendante britannique, spécialisé dans le post-punk, desquels sont sortis les Smiths, les Young Marble Giants, Scritti Politti, Television Personalities, les Raincoats, etc. Sacrée caution donc. Aujourd’hui, encore la liste a de la gueule.

Sauf qu’en 2002, BMG rachète la boutique. BMG, on va pas mentir, c’est une bonne grosse boîte et on peut pas les suspecter de faire dans le sentimental, surtout à l’époque où les CDS se vendent. Rough Trade signe les Strokes qui cartonnent bien, et, à l’heure de leur trouver une concurrence briton, on sort (miraculeusement ?) les Libertines d’un carton. Si on en croît les bio du groupe, le style original du groupe était une sorte de folk punk crado, son qu’on peut retrouver sur les sessions acoustiques ou électriques du groupe, et dont on peut se faire une idée avec un peu de matériel autre que les deux albums studios. Donc, le contrat, plus ou moins tacite, signé par les quatre futurs garçons dans le vent induit qu’ils écrivent de nouvelles chansons, plus rock’n’roll, plus électrique que leur goût actuel. Là naît What a waster, à l’origine pas incluse dans l’album, mais qui se classe 39ème des charts, sans radio parce qu’elle y aurait été bouffée par les bips, et qui donc gagne sa gache sur la tracklist. Pour être sûr de s’attirer la bonne étoile, on choisit Mick Jones à la production, et dieu doit se dire que s’il n’a presque produit que ses propres albums, il doit y avoir une raison. (Dieu sait aussi que j’aime bien les Clashs donc il me pardonnera cette prise de position).

Mick Jones, les Clash, dernier grand punk peut-être, gourou du post-punk aussi, sûrement, avec B.A.D, Big Audio Dynamite, qui sortira dès 1997, Entering A New Ride, seulement sur internet, et ce gratuitement. Cojones.

D’ailleurs, marrant, un peu plus tard, oui bien sûr, celle-là d’histoire tu la connaissais, Radiohead a sorti son In Rainbows, oh, même pas gratuit, à prix libre, parce qu’il faut pas déconner, on est quand même là pour le bizz (même si on vous pisse dans la bouche parce que vous voulez écouter Creep et donc je vous tourne le dos quand je la chante, ouais le décharné, c’est à toi que je pense) ; donc à l’heure de la sortie de In Rainbows j’ai entendu des louanges unanimes sur le geste du groupe et rien sur Entering A New Ride. Plusieurs solutions : les mecs étaient trop jeunes et en ont jamais entendu parler, ou les mecs ont oublié, ou selon un autre point de vue qui sied plus à ma thèse, les mecs - NON C’EST PAS SEXISTE LACHE-MOI - ont préféré présenter le cas Radiohead selon le point de vue de l’histoire en marche, d’une histoire qui s’autogénèrerait, qui ne serait pas une répétition plus ou moins similaire, plus ou moins fidèle, plus ou moins améliorée ou ratée, de l’histoire déjà passée.

C’est jamais deux fois la même mais elle a souvent la même gueule, à peu de choses près. Quand Hedi Slimane nous a fait le coup du revival slim et de la chemise boutonnée jusqu’en haut, on oublie de nous parler de Daho, de Marquis de Sade, des Teddy Boys et de tous les jeunes gens modernes et de tous ceux qui les ont précédés, Bowie en tête, comme si la silhouette androgyne contre laquelle s’est élevée Hell’s kitchen Mag était sortie par magie et d’un coup de la tête de l’arabe le plus respecté après Zinedine Zidane (Coup de tête, Zinedine Zidane, c’est pas beau ça ?)

La sape, la musique et la culture en règle générale marchent par cycle, rien de nouveau, et si l’on excepte les exceptions, passe son temps à se copier, à s’imiter, en changeant deux trois trucs, en en mélangeant quatre cinq autres. C’est pas forcément mauvais, loin de là, c’est même souvent très bon, les amateurs faisant généralement de la très bonne came -salut James Murphy-, simplement, plutôt que de parler tous les dix ans de « renouveau », de « retour », il est peut-être plus éclairant de considérer ces boucles comme l’illustration du caractère fermé, réflexif de la culture qui a toujours l’œil dans le rétro et s’évertue régulièrement, tant bien que mal, à recréer une époque révolue. Pas un retour, une récréation, une volonté de surfer sur la nostalgie, ce qui a été fait et a si bien marché et fascine parce qu’il est mort. Ici, dans notre sujet originel, Portobello et Kensington en véritables repères à punks pétés, le (post) punk et l’Angleterre triomphante à la proue du rock’n’roll, le vrai, qui sue et gicle, pas celui à la verveine de Yorke and co. Ici, le mythe du duo auteur-compositeur que l’Angleterre cherche depuis tellement longtemps et dont la simple annonce suffit à déchaîner les foules, ici le duo sulfuro-amoureux, la drogue et les tabloïds et les mélodies qui font rêver les filles et les garçons, qui marquent des milliers de gosses, dont moi, ici, en gros, les Stones et les Beatles quand ils n’étaient pas sages, et puis les types en Creepers avec un cuir et des épingles dans le nez, etc... Malheureusement pour eux, l’arrière-plan c’est aujourd’hui le Gherkin et les jaguars dans Notting Hill et Mayfair. Les temps ont changé et comme beaucoup avant et après eux et dans bien d’autres domaines, les Libertines n’étaient peut-être finalement qu’une tentative de faire d’un anachronisme un courant.

12 commentaires:

Chloë a dit…

C'est en tapant "doherty par busty" sur google que tu tombes sur > "pour que Pete Doherty couche avec Busty | Facebook"

frances bean a dit…

oh pour une fois t'as pas l'air trop con dans un de tes articles. j'ai trouvé ça beau.

Jonas a dit…

Makes me feel relevant ! what a rock culture, on voit que tu as lu les inrocks, rock&folk et consortium au CDI du lycée pendant les récrés ou le grand kader voulait te faire la peau.

Vadim P. a dit…

bisous jonas, les inrocks et rock & folk diraient plutôt le contraire en fait. c'est un peu le problème.

Lucien a dit…

T'es agressif et c'est le bordel mais super article.

Anonyme a dit…

Busty suce des ours.

NG a dit…

Le Brian Jonestown aussi a cédé cybernetiquement ses albums, il y a un temps...

Anonyme a dit…

quel rapport, pédépsyché?

Vadim P. a dit…

oui et bat cat bark et an astrologists guide to the stars in the sky aussi, c'était pas mon sujet

Vadim P. a dit…

et si j'en crois mes sources la disco du bjm postée sur internet n'était pas du matériel fini.

Anonyme a dit…

Cantstandyounow ? Vraiment ?

Anonyme a dit…

je crois bien que doherty peut produire n'importe quoi le R&f se fera un plaisir de ressortir la bonne vieille histoire des libs ces dieu de la musique qui n'ont pas duré merde quoi
sinon je dirais que yeti ont bien 2 et non 1 chanson plus qu'ok
les articles de busty sont super lourd
sinon ouai faut pas oublier que nous les fans on est quand meme cons dès qu'un ancien lib sort un album on peut pas s'empecher de dire ouais c bien mais merde les libertines c'était mieux