17 septembre 2010

On s'en va pas

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En arrivant à notre point de rendez-vous je savais pas trop à quoi m'en tenir. Entre nous l'histoire était longue et déjà chargée. Je lui avais fait du mal, elle m'avait incendié, on s'était retrouvés cet été, quasiment par hasard. On s'était dit qu'on prendrait un café à Paris pour la rentrée. C'était maintenant. Elle était arrivée exténuée, énervée. En gros elle était juste intimidée je l'avais grillé tout de suite. C'était la première fois qu'on se voyait sobres. J'aurais dû être intimidé aussi mais j'avais un peu changé. Régression ou progrès, pour surmonter ma gêne je lui parlais comme un vendeur parle à un client. Elle restait stressée, j'avais déjà envie de me barrer.

Arrivés au Parc Monceau on s'est posés dans l'herbe avec des bières. Le soleil déclinait et elle avait trop chaud. On a parlé du présent, du futur, du passé. C'était vraiment pas bon signe. Le soleil a filé, ça commençait à cailler. Au bout de deux heures j'ai commencé à lui dire que j'étais fatigué, que j'allais rentrer chez moi. Sautant sur l'occasion, elle m'a fait la gueule, tout en tentant de me convaincre de rester, pour dîner avec elle. Je rechignais. Elle m'a fait un petit scandale dans le métro, me faisant passer pour un mec odieux. J'avais aucun respect pour elle, aucun plaisir à être à ses côtés, puisque je voulais rentrer chez moi. C'était en effet pas la seule solution. "On peut dîner ensemble et aller boire un verre. Au pire tu pourras dormir sur un matelas chez moi si tu loupes ton train". Refusant le bar, acceptant le dîner, je l'ai suivie.

On est montés dans un appartement complètement vide en plein XVIe sud. Ca avait de la putain de gueule. Elle était seule dans ce truc pour quelques jours. C'était l'appart' d'une pote qui lui avait vite fait refourgué avant de le vendre pour de bon. On a commandé des sushis, le livreur ne se pointait pas avant une heure. Putain j'ai flippé. On n'avait rien à bouffer, on n'avait pas de télé, pas d'Internet, plus forcément grand chose à se dire. J'ai pris les choses en main. J'ai allumé la chaîne audio pour foutre Nostalgie. J'ai ramené près de nous les bières restantes et les bouteilles de blanc qu'on avait prises chez l'arabe d'en bas. Entre nous, posées sur le matelas où on s'était assis, elles me rassuraient. On a parlé de nos vacances en Bretagne. L'alcool montait. La conversation est partie vers des sujets genre le bateau, le religion, Dieu en personne. Ce con. Je lui ai montré mon Citadelle que j'avais avec moi. Elle m'a reproché de lire ce bouquin au lieu d'aller à la messe. Elle avait pas forcément tort. Pourtant je lui ai soutenu que Saint-Ex disait la même chose que son curé, mais en un peu plus joli. Je lui ai cité des passages, elle est restée incroyablement sceptique. Voyant minuit arriver, j'ai décidé de ne plus partir de chez elle. J'ai décidé de dormir là-bas ; par pur esprit pratique. J'étais trop fatigué pour rentrer chez moi, si loin, si tard.

Elle est partie se coucher dans une chambre, me réservant le matelas du salon. Je laissais Nostalgie tout bas, pour m'endormir en sifflotant. Alors elle m'a envoyé un texto depuis la pièce voisine : "Arrête de sifflez et rejoins-moi". Je lui ai dit de venir elle, le matelas du salon était plus grand que le lit de la chambre. Elle m'a rejoint. J'étais torché, mais je voulais rien faire moi-même pour pas qu'elle me reproche quoi que ce soit à l'avenir. "Tu m'as baisée puis tu m'as jetée, c'est ça ?!", "Non, c'est pas moi qu'ai commencé". Sur le moment, j'étais pas coupable. Trop bourré pour me rendre compte que j'allais faire une connerie, j'attendais juste de voir si ce qui devait se passer allait se passer.

Au bout de quelques minutes elle m'a embrassé. J'aimais son souffle, ses cheveux attachés. On a fait l'amour. C'était bien. J'avais souvent voulu, imaginé lui faire l'amour. J'étais heureux de passer à l'acte avec elle. Surpris de voir qu'elle se laissait faire. Plus tard, elle s'est endormie. A moitié insomniaque, je m'attendais à pas dormir avant des heures. Mais tout s'y prêtait. Le silence de la nuit résonnait dans la pièce, l'air sentait le sexe, la fatigue et l'ivresse me berçaient. Pas de bruit, pas de couleur, que du noir. La Terre était éteinte, je me suis endormi.

Le lendemain j'ai réussi à être un mec aimant. Ce que j'avais souvent foiré avec d'autres filles auparavant. Peut-être que j'étais sincère cette fois. J'ai réussi à partir de chez elle sans être trop brusque, sans qu'elle trouve une raison de me faire la gueule pour quoi que ce fût. C'était une prouesse. En racontant ça je me dis que je fais très connard. Mais c'est pas le cas. En arrivant la veille à notre rendez-vous, jamais j'aurais imaginé me réveiller avec elle dans un appartement vide une douzaine d'heures plus tard. Je n'ai rien fait de mal en somme. Pourtant je sais que bientôt elle me reprochera cette nuit. Cette nuit où je me suis laissé guider de A à Z, où je n'ai pris aucune initiative, volontairement. Cette nuit j'ai tout fait pour que jamais elle ne me reproche rien. Mais elle le fera quand même. Parce qu'en rentrant chez moi, dans la rue, parmi ces gens qui ne savaient rien et surtout qui n'en avaient rien à foutre, j'ai compris qu'elle était quelque chose comme amoureuse de moi, quelque chose comme en train de croire qu'on sortait désormais ensemble. J'aurais dû croire la même chose. A regarder cette soirée et cette nuit, je me disais qu'il y avait tout. Tout ce que j'aimais, tout ce qui rentrait dans ma définition à la fois du cool, et de l'agréable. Pourtant je pouvais pas m'empêcher de ressentir un manque. Le tableau était parfait : le parc, les bières, le métro, l'appartement, Nostalgie, le vin blanc, Dieu, le matelas et l'amour. Y avait tout eu, sauf ce qui avait manqué et que je pouvais pas nommer. Je revoyais pas cette fille avant plusieurs jours, mais j'allais bien devoir lui avouer qu'on sortirait pas ensemble. Je me retrouvais devant quelque chose que j'avais jamais pratiqué auparavant : le coup-de-pute-pas-de-ma-faute. On se sent moins coupable, l'autre souffre autant, et on se sent plus minable.

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7 commentaires:

Anonyme a dit…

love story telling win

Anonyme a dit…

Waow...

une fille a dit…

ce que j'aime chez la frange: découvrir la vision masculine des choses.

un peu flippant tout de même.

Anonyme a dit…

t'es définitivement une valeur sûre en ce qui concerne ton style littéraire. Le Noyau prend la poussière d'ailleurs, tu devrais t'y remettre, c'est la rentrée coco !

pierre a dit…

le dernier paragraphe ne sert pas à grand-chose, hein.

parce que tu passes sans transition d'un registre à un autre, d'une narration très passive à une analyse prenant ton lecteur à partie, et puis parce qu'on est pris dans une histoire détaillée pour revenir à la réalité racontée en trois lignes et enfin parce qu'il faut toujours se demander si c'est intéressant pour ton lecteur, ou si c'est juste pour te faire bander. tu sais mieux raconter qu'expliquer.

Margaux a dit…

A partir du moment où t'as décidé d'aller dormir chez elle c'était déjà foutu.

Anonyme a dit…

Dis donc tu dois quand même ten mordre les doights d'avoir passé la nuit chez elle?
Avec le temps tu te sent encore minable? Comment elle l'a pris? en tout cas j'espère pour toi qu'elle ne lira pas ton article!