2 octobre 2010

Tu m'aimes mais tu le sais pas encore

.
Je suis à Lancieux depuis trois semaines déjà, et je me suis baigné qu'une fois. Le temps est mauvais, l'eau est froide. D'ailleurs la seule fois où je me suis baigné, c'était depuis le bateau. Ca compte pas vraiment. Une fois un peu au large j'avais plongé depuis le bateau. L'eau était glacée, mais choquer, border, toutes ces conneries m'avaient filé chaud. J'avais nagé autour du dériveur, Rodrigue m'avait rejoint, on s'amusait à se planquer contre la coque pour que Céleste ne nous voie plus. On passait sous le bateau à la nage, pour lui faire peur en réapparaissant du côté qu'elle ne soupçonnait pas.

Ca fait trois semaines donc. Je sens que mon séjour se termine bientôt, je suis encore un peu torché de la veille. Alors je suis descendu à la plage cette aprem avec la ferme intention de me mettre à l'eau. Il est 16h, avec une huitaine de potes on prend une bière au café de la plage. Le ciel est gris, plutôt bas, et l'atmosphère est lourde. Y aura sûrement un orage cette nuit. Le vent s'est complètement calmé et d'ailleurs la mer est quasiment vide, tous les bateaux sont restés sur le sable. Je suis dans ce genre d'ambiance où même en plein air, la plage semble comme enfermée dans une boite. À la moitié de ma 1664, Céleste lance à tout le monde : "Bon qui vient se baigner ?". Saisissant au passage l'occasion de faire ce que j'avais prévu et en plus en bonne compagnie, je réponds direct que je finis ma bière et que je viens avec elle. Une fois quelques autres blagues échangées parmi le groupe et ma bière finie, je pars à l'eau avec Céleste.

Ce petit jeu inévitable en Bretagne qui consiste à patienter dans l'eau jusqu'aux genoux pendant des minutes et des minutes, dure encore un peu. Jusqu'à ce qu'un gosse raboule. Il est petit, d'environ sept années, Céleste le connait. "Ca va Quentin ?". Elle a fait quelques baby-sittings certains étés, elle connait donc pas mal de mômes sur ce coin de la plage. Quentin se joint à nous. Lui aussi rechigne à se foutre à l'eau. Je souris à Céleste et Quentin. Sans vraiment de raison d'ailleurs ; je crois que je suis juste sincèrement content d'être là avec eux. Le gosse m'apprivoise et prend la confiance, il commence à vaguement m'arroser pour que je me mette à l'eau. Céleste éclate de rire. Je riposte en faisant exprès de faire peur au gamin tout en étant sûr de ne pas le toucher, histoire qu'il se barre pas en chialant et que je perde pas tous mes points auprès de Céleste. Céleste continue de rire d'ailleurs. Et son rire me fait plaisir, il m'apaise, me solidifie, me remplit de moi-même. Alors que Quentin me lance un coup d'eau un peu plus poussé que les autres et que je fais semblant d'être offusqué, je me rends compte de quelque chose. J'ai eu 24 ans il y a quelques jours. J'en ai parlé avec mon oncle psy, il m'a dit que mes angoisses venaient de là. Du changement de vie, du quart de siècle qui fait tellement de bien et tellement de mal à la fois quand il passe. L'envie pressante de trouver un travail à l'avenir, l'envie de construire la cathédrale de sa vie, l'envie de trouver une fille, une vraie, j'entends par vraie fille une fille avec qui fonder et j'insiste sur le mot, avec qui fonder une vraie relation, toutes ces envies sont normales et poussent en moi. En me faisant mal mais en accomplissant ce que j'attends quand même. Ca fait trois semaines que je passe mon temps proche de Céleste, à lui raconter mes problèmes, à la regarder m'écouter, à l'aider à résoudre ses problèmes à elle, à la serrer dans mes bras. J'aime Céleste, je me sens bien quand elle est dans le coin. Je me sens fort, je me sens prêt quand elle se focalise exclusivement sur moi. Ce gosse, cette mer moins froide, Céleste et moi sans nos potes, j'ai l'impression de me voir dans quinze ans. C'est ça. Ce Quentin est mon gosse, ce Quentin est notre gosse à Céleste et moi. Du haut de mes 24 ans et en plein basculement, je perçois Céleste comme la fille, comme la future femme que j'aimerais avoir pour moi. Je la regarde jouer avec Quentin, je trouve en elle la mère qu'elle sera un jour. Je ne suis pas fou amoureux d'elle, je crois que je ne suis même pas encore amoureux d'elle. Et c'est précisément ce que je cherche. Si je tombais fou amoureux d'elle, on sortirait ensemble, on se déchirerait, tout serait fini en quelques mois. Je veux la vie entière. Et la relation que j'ai aujourd'hui avec Céleste, porte en elle la vie entière. Sa peau est douce, si douce que je ne voudrais que la caresser sans même jamais oser lui faire l'amour. Son visage n'est pas particulièrement beau, mais il a quelque chose. Sur les photos d'elle quelque chose se passe, derrière ses lunettes de soleil XXL elle a un côté célébrité des sixties, sans même qu'elle s'en rende compte. Quand elle lâche ses cheveux et qu'ils tombent jusqu'aux épaules, je me sens être son futur mari. Au fond j'ai jamais voulu d'une femme au visage si beau qu'il m'ennuierait au bout d'une dizaine d'années. Je ne veux qu'une femme à la peau douce. Et puis Céleste a ses problèmes, elle revient de loin et n'est pas encore arrivée. Le genre de meufs qui n'a pas encore chassé tout ses démons. Du coup je me sens utile pour elle. J'ai l'impression de la soigner à chaque fois qu'on est ensemble, ça me donne un rôle, une fonction, ça me donne du pouvoir, et personne ne reculerait devant un peu de pouvoir.

Quentin est remonté aux serviettes. Céleste avance plus loin dans la mer. Elle se glisse dans l'eau d'un mouvement ralenti, jusqu'au cou, pour ne pas mouiller ses cheveux noués. J'attends quelques vagues de plus, puis je plonge. Tête la première, l'eau sur mes tempes et mon crâne me pétrifie. J'essaie à la fois de prolonger ma coulée parce que j'aime l'eau, et de ressortir la tête le plus vite possible parce qu'elle est quand même froide. Céleste est là, on ne se dit pas grand chose. Elle est de ces filles à qui j'ai pas besoin de dire quoi que ce soit quand je suis avec elles. Céleste est avec moi, on est seuls, elle me rassure. Mais on est en Bretagne, et même si l'eau est moins gelée, Céleste propose qu'on remonte. Je la suis, même si j'aurais voulu prolonger ce moment le plus possible. Je m'en fous, y en aura d'autres. Les vacances sont pas finies, Céleste aura d'autres problèmes, on aura d'autres discussions. En remontant déjà réchauffé par l'air lourd, je me rends compte qu'un jour je proposerai à Céleste de sortir avec moi. Dans 4 jours, dans 3 mois, dans 2 ans, je sais pas du tout, mais je sais que ça se passera. Cette pensée me réconforte mais je me dis que le jour où je lui proposerai, je sais pas du tout ce qu'elle me répondra. Céleste me marque tant que je pourrais écrire des pages et des pages sur elle ; mais ça n'empêcherait pas cette biatch d'envoyer une dizaine de chapitres potentiels au tapis rien qu'avec un "non" ou un "on reste amis". Y a peut-être un mur devant moi, mais je continuerai de rouler tant que je me le serai pas pris dans la gueule. "On n'est heureux qu'avant d'être heureux" (Rousseau).
.
.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

moi je me sens un peu arnaquée avec ce nouveau post qui n'en est pas vraiment un; je l'ai quand même relu mais avec les paragraphes dans le désordre, c'est cool aussi comme ça.

Dim. a dit…

T'es bien fidèle pr savoir que c'est "pas vraiment un nouveau post" héhé !

Anonyme a dit…

Je suis d'accord avec l'autre anonyme mais c'est pas grave, vivement le prochain vrai nouveau post. (Même si celui ci est tout aussi brillant que la dernière fois que je l'ai lu)