19 juillet 2011

Mercato


J’ai vraiment cru que j’étais en train de m’arracher le cœur volontairement quand j’ai embrassé une dernière fois ses lèvres et que j’ai laissé ses doigts effleurer les miens alors que je me forçais à tourner le dos et à dévaler l’escalier sans me poser de questions, sans penser à rien. J’étais vraiment sûr que ma poitrine allait exploser, parce que mon crâne et mes yeux le faisaient depuis 48h, à chaque fois que je pensais à maintenant.

Je chialais dans la rue, et dans le métro, derrière mes lunettes noires, je chialais au cinéma, derrière mes lunettes 3D, et puis je chialais aussi dans son lit, derrière son oreiller ou mes poings serrés. Je chialais dans sa baignoire, sur son dos peint pendant que je la caressais. Je chialais avant qu’elle arrive, et j’ai chialé quand je me suis arraché à ses bras, que je lui ai dit « au revoir x», parce que je n’osais pas dire « à bientôt », et elle a dit « salut Vadim » avec sa voix adorable et douce et j’ai vraiment cru que j’allais mourir de plein de trucs à la fois, que j’allais juste me liquéfier, finir dans une mare d’eau sale, d’amour et de larmes, avec deux trois gouttes de sang pour le mélodrame.

J’ai pas tenu longtemps, même pas deux secondes, j’oserais même pas affirmer avoir tenu plus d’une, et je me suis jeté sur elle mais même ça, même ça, ça ne suffisait pas. J’aurais aimé que ça ne suffise plus, ce qui laisserait à croire qu’il y avait quelque chose qui aurait pu suffire, qu’il y avait quelque chose à faire, un truc auquel s’accrocher, mais ça c’eut été du vent, c’eut été des conneries, et j’avais plus l’âge d’y croire, déjà.

C’est sûrement pour ça que j’avais pas arrêté de chialer dès que je me retrouvai seul tout et qu’il n’y avait plus rien ni personne pour me prendre dans ses bras, ou juste pour sourire tristement en disant que j’avais l’air vraiment déprimé et que ça lui faisait de la peine. Rien d’autre à faire que de s’endurcir et d’éviter de flinguer tout ce qui était cool et à venir parce que je me lamenterais sur ce qui était passé et qui n’était pas vraiment le futur annoncé.

Je suis pas vraiment débile, je sais pourquoi je signe quand je fais quelque chose, et je suis pas vraiment du genre à changer les règles, ne serait ce que parce que changer lesdites règles revient à se tirer une balle dans le pied puisque tout était si beau, si bon, que parce que ça marchait comme ça, et pas autrement. Juste parce qu’il n’y avait que du bon à prendre et rien d’autre, parce qu’autrement, rien n’aurait marché et j’aurais explosé en vol.

Pour autant, je suis pas passé bien loin, sur ce coup-là, mais la vodka m’a sauvé. Hier déjà, le fond de mon bloody mary mal mélangé m’avait aidé à me calmer et à secouer de mes yeux les larmes qui menaçaient de gicler dès que je tournais la tête un peu violemment. Et quand son effet s’était évanoui depuis trop longtemps déjà, j’ai flingué la déprime qui squattait sur mon épaule à coups de vin rouge. Et le lendemain, rebelote puis vodka-lait quand je chialais devant mon gtalk, derrière mon écran, quand elle m’a parlé du dernier souvenir que j’aurais d’elle et que j’ai pas osé demandé, parce que j’avais peur de déjà connaître la réponse, si je la reverrais vraiment pas.

Je suis dans le train et j’hésite vraiment à aller me la coller au bar, à m’asseoir sur un tabouret, et à picoler pendant deux heures, comme elle avait peur que je le fasse en son absence. Ce serait sûrement pas plus mal, comprendre, ça ne pourrait que me faire du bien, à court terme, mais je suis trop lâche pour mettre en scène les larmes qui sèchent et coulent derrière mes verres fumés.

Je l’ai appelée « mon cœur » depuis les téléphones publics de la gare. J’ai même pas réfléchi, comme la fois où je lui ai dit « mon amour » en public, et, pendant que je réalisais avoir dit ça, ce soir, j’avais pas la force de me mépriser, ni celle de me mettre des claques, et encore moins de me haïr. J’entendais pas grand chose, mais au moins je pleurais pas. J’aurais bien le temps de le faire après, une fois à ma place. J’ai dit que j’étais parti comme un voleur mais que je n’aurais pas pu faire autrement. J’ai pas dit que du coup je comprenais qu’elle ne m’ait pas accompagné, ni demandé pourquoi je ne l’avais pas vue à la fenêtre qui donne sur la cour après, ni pourquoi elle ne m’avait pas couru après dans l’escalier, ni à quel point son corps nu ou habillé et son sourire dans l’encadrement de cette porte d’entrée allaient me manquer. J’ai demandé si elle reviendrait pas me voir, alors, et c’était bizarre parce qu’elle était jamais venue, mais je suppose qu’il y avait plus d’espoir dans un retour que dans une aventure. Elle a dit qu’il faudrait qu’on en discute et j’ai senti que ça partait mal alors j’ai ajouté que ça ne l’engagerait en rien sur le long terme, ni sur quelque terme que ce soit, en fait. Ce qui est vrai, je veux juste la voir parce que j’ai jamais été aussi heureux que pendant ces dix jours cumulés depuis très longtemps, et que j’aimerais lui faire autant de bien qu’elle m’en fait. Je confonds un peu les moments, mais elle a dit qu’elle était heureuse d’avoir passé cette semaine avec moi et puis qu’elle comprenait, qu’elle savait que c’était pas facile, mais à ce moment je savais pas trop quoi penser de tout ça parce que j’étais pas encore sûr de la revoir, et je le suis toujours pas, alors j’osais pas vraiment espérer ou croire n’importe quoi.

La serveuse du bar avait l’air de se demander ce qui se passait pour qu’un type en lunettes noires vienne tabasser du clan campbell à 22H. Elle a dû trouver que j’avais l’air désespéré, ou sentir que j’étais pas vraiment au sommet. Elle m’a proposé des cacahuètes, avec le whisky, j’avais mon casque donc j’ai à moitié entendu que c’était seulement un euro. Sûrement que ce serait plus festif, moins triste. Sûrement aussi que ça m’aiderait à masquer l’haleine d’alcool quand je verrais ma mère à la gare, mourant d’envie de la prendre dans mes bras et de chialer, mais incapable, sûrement, de le faire. Elle m’a souhaité « bon voyage » après un temps infini avec sa liste de prix et une calculette, et je suis retourné m’asseoir, mon ordi sous le bras, les cacahuètes dans une main et le verre, la bouteille et une serviette dans la poche de ma veste, en me demandant ce qu’exactement lui était passé par la tête à cette fille, ce qu’elle avait vu le moment où j’ai enlevé mes lunettes avant de les remettre, quand j’ai réalisé que je devais avoir les yeux rouges et collants. Elle avait l’air un peu compatissante, à moins qu’elle ait juste été fatiguée, mais, il y avait quelque chose de touchant dans la manière dont elle m’avait servi, mais ça c’était peut-être passé dans ma tête, j’avais sûrement juste envie que ça arrive après avoir réalisé qu’on pouvait chialer dans le métro sans que personne ne croise votre regard. Mais bon, je crois que j’avais raison, je me rappelle le barman qui avait proposé de me doubler mon jack, pensant sûrement, et à raison, qu’il faut avoir quelque chose dont l’on veut se rappeler longtemps, ou oublier très vite, pour boire à 16h un whisky qu’on écluse.

J’ai pas trop envie de m'endormir seul maintenant.


This Is How We Walk On The Moon - Arthur Russel

I Love You Like A Madman - The Wave Pictures



4 commentaires:

Anonyme a dit…

du bon son, des belles phrases, (revoilà) un vadim comme on l'aime. merci.

N. a dit…

Des pouces et des clins d'œil.

Anonyme a dit…

c'est quoi le magazine qui a l'air intéressant en illustration ?...

Vadim P. a dit…

Aucune idée malheureusement.